Artiste : Jean-Sébastien Ruyer / Période : Octobre-Décembre 2011 / Lieu : Mairie du 11e / Exposition personnelle / Commissariat : Emilie Schalck pour Glassbox / Coordination pour la Mairie du 11e : Jean-Christophe Arcos / Production : Mairie du 11e ///
Il faut toujours faire un effort pour la création contemporaine : effort de compréhension de la part des visiteurs, effort aussi de la part des institutions pour montrer des artistes souvent cantonnés au cercle des professionnels de l’art.
La Mairie du 11e, assumant l’effervescence créatrice qui marque désormais l’arrondissement comme la ville capitale, prend sa part dans ce processus.
Cette saison, nous avons invité Glassbox, espace d’exposition géré par des artistes, qui installe cette année son nouveau lieu dans le quartier de Belleville, à investir la mairie au gré de trois expositions. En parallèle, les artistes iront à la rencontre d’habitants et d’associations du 11e pour des dialogues centrés sur l’art et le monde d’aujourd’hui.
A travers ces expositions, la Mairie du 11e affirme son attachement à la culture contemporaine, et le rôle moteur que peuvent avoir les collectivités pour promouvoir l’art actuel.
Toujours très populaire aux USA, au Mexique ou au Japon, le catch est tombé en désuétude en Europe. Discipline insolite, il est en quelque sorte le «vilain petit canard» du sport. Violent, truqué, parfois même immoral, comme le qualifie Roland Barthes dans ses Mythologies, les réactions qu’il suscite, rires, fascination, condescendance ou crédulité, peuvent s’emparer des spectateurs plus vite qu’une manchette japonaise.
A ses yeux, cette lutte libre est en soi une métaphore de l’ordre, ou du désordre, du monde : entièrement mis en scène, faits de coups bas, de retournements, de suspense, de luttes simulées mais sanglantes, de justiciers et d’injustices, le déroulement du scénario mondial, notamment l’actualité et la politique, et celui du catch ont de nombreux points communs.
C’est cet univers que J-S Ruyer a décidé d’explorer à travers sa pratique artistique, convoquant vidéo, dessin, gravure, photo, sérigraphie, installation… Ici, peu importent les techniques : tous les moyens sont bons pour coller au plus près de cette épure kitsch qu’est le catch. Epure car le principe, la finalité, sont des réalités premières de la vie, d’une vie idéalisée ou atrocement archaïque : taper, lutter, écraser, et vaindre… Kitsch, avec toute cette liturgie préfabriquée, mille fois répétée, faite de cagoules fluo surbrodées, de corps huilés et tatoués, d’affiches illustrées, peinturlurées…
Dans ce décalage entre l’objet même de la lutte (la vie versus la mort) et sa facticité (le catch ne tuera jamais personne !), s’insinue chez Jean Sébastien Ruyer un art du simulacre, une approche récurrente de la nécessité des artifices et, quelque part, de la catharsis, cette apparence de vie qui nous sert à représenter et à exorciser le monde, la dureté de ses lois et de la condition humaine.
En ce sens, même si « le catch, c’est ce qui rend la vie plus intéressante que le catch », comme le dit Jean-Sébastien Ruyer paraphrasant Robert Filliou, on dirait bien que le catch et la vie ont un destin commun… Jean-Sébastien Ruyer met également en parallèle le catch et l’art : les codes de l’un comme de l’autre, leurs enceintes, leurs publics, en font des univers séparés du reste du monde, qui certes peuvent en être le miroir ou peuvent y être connectés, mais toujours « dans leur bulle ».