Artiste : Guillaume Gattier / Période : Janvier-Mars 2014 / Lieu : Mairie du 11e / Exposition personnelle / Commissariat : Triangle France / Coordination pour la Mairie du 11e : Jean-Christophe Arcos / Production : Mairie du 11e ///
Titulaire d’un CAP de charpentier et du DNAP de l’école supérieure d’art d’Annecy, G. Gattier entretient avec la matière un dialogue constant : c’est de ce dialogue que naissent les pièces, qui sont les résultats d’une pratique plus que d’une théorie. L’artiste a ainsi recours à des principes de révélation, où l’œuvre devient souvent le compte-rendu de gestes. La question du processus de création, plutôt que celui de l’objet fini, est au centre de sa pratique.
Avec l’appui de Triangle France, Guillaume Gattier a été accueilli aux Glasgow Sculpture Studios l’an dernier, puis à la Fonderie Darling, à Montréal, d’où il est revenu début janvier.
Ces deux résidences ont permis à l’artiste d’approfondir sa relation à la sculpture et de partir à la conquête de l’Ouest à la faveur d’un travail de documentation sur les granges construites par les premiers pionniers dans le nord du Canada et aujourd’hui bricolées, rapiécées, hors d’état d’usage.
Guillaume a « faim d’Amérique » : il a passé quelques semaines à sillonner Detroit, et rêve aujourd’hui de Mississippi, à la suite de Marquette et Joliet, les deux Français qui ont, en 1673, en flottant au gré du fleuve, découvert qu’il existait vraiment.
Le travail de Guillaume est, lui, tout sauf flottant : il est avant tout concret, tangible, voire imposant dans ses dimensions. Qu’il s’agisse du sol de son atelier marseillais, qu’il a dessiné à l’échelle 1 (plus de 50m² de papier lui ont été nécessaires), ou de la forêt d’arbres calcinés qu’il fait tenir debout au Domaine de Maison Blanche, ses œuvres prennent souvent des dimensions monumentales.
Mais cette monumentalité se fait avec prudence, en manipulant avec précaution des matériaux qui ont une histoire à faire passer, et veille à ne pas les abîmer pour la transmettre à son tour.
Dans la cour de la Mairie du 11e, Guillaume a choisi d’adapter une pièce conçue pour le domaine viticole de Saint Ser, sur les coteaux d’Aix-en-Provence.
Cette pièce, intitulée Respice finem (du proverbe latin « quidquid agis, prudenter agas et respice finem », « quoi que tu fasses, agis avec prudence et sans perdre de vue le but ») a été réalisée une première fois en 2012 dans le cadre d’une résidence de G. Gattier au domaine de Saint Ser, en référence au saint patron du domaine, où trône une statue de ce martyr chrétien décapité par le roi wisigoth de Provence Euric.
La pièce de G. Gattier répondait à ce contexte et se composait alors d’un plancher de pin brut entouré de 4 cloisons, dont une ouverte, sur lequel se posait un socle de béton monté d’un buste en plomb représentant l’artiste.
« De l’absurdité d’un corps sans tête à celle d’une tête sans visage, l’identité du sujet s’efface, à l’image des conditions de sa disparition », écrit-il à son sujet.
Pour la Mairie du 11e, Guillaume Gattier poursuit le travail sur la statuaire et la monumentalité entamé par Laurie Charles en lui donnant un sens profondément différent : alors que Laurie voulait mettre en scène une statuaire sans identité, idéelle et générique, réhabilitant le décor comme personnage principal, Guillaume convoque ici une identité, la sienne, sous la forme d’un autoportrait en plomb fondu. À rebours des codes de la sculpture monumentale, l’œuvre requiert une observation attentive de la part du spectateur et révèle une surface portant de nombreuses marques et dégradations. Ces indices évoquent un événement passé : l’œuvre a été précipitée du cinquième étage d’un immeuble, terminant sa course contre une plaque d’égout.
La sculpture et son socle en béton son placées sur une estrade en bois. Des fleurs sont disposées à côté de la sculpture, apportant une dimension funèbre à l’ensemble. Le spectateur se trouve en présence d’une mise en scène revisitant avec humour les problématiques soulevées par les vanités: le temps qui passe, le cheminement d’une vie, sa vacuité et les désillusions qui l’accompagnent. En s’en prenant tout à la fois à son œuvre et à son image, l’artiste nous invite à reconsidérer la valeur que l’on s’accorde à soi et à ce que l’on produit. Selon lui, l’autoportrait devient paradoxal, puisque la fonction « miroir » en a été altérée.
Guillaume Gattier s’empare ainsi de la question de la représentation de manière décalée, et réactualise la notion de vanité : placée dans un lieu incarnant idéal révolutionnaire et pouvoir démocratique, cette œuvre nous amène à nous mesurer à la fois à nos espérances et aux réalisations qui ont été accomplies.
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