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Artiste : Joon-young Yoo  / Période : octobre 2018 / Lieu : Galerie du CROUS, Paris / Commissariat : Jean-Christophe Arcos  / Production : Centre Culturel Coréen

L’exposition IN A RELATIONSHIP présente des oeuvres récentes de l’artiste coréenne Joon-young Yoo.

Dessins, performances et vidéos décrivent une géographie intime du monde et de la présence à l’autre. L’espace y est à la fois point de départ et point de rencontre : s’y rejoignent les idées et les formes, la mémoire et la perspective, l’artiste et le public, pour définir la typologie nouvelle d’une relation. Les traces qui s’ajoutent et se complètent peuplent silencieusement le paysage d’une exposition contemplative jouant avec les éléments.
Plus que l’exploitation de champs de forces contraires, c’est à une exploration des frontières entre l’équilibre et sa perturbation qu’invite l’artiste. Dans cette zone d’indétermination s’abolissent les pesanteurs les temporalités, tout comme s’y amenuisent les distinctions entre le corps et le contexte ou entre l’œuvre et les éléments naturels.

Accueillis par une Sculpture qui se complète avec le vent, les visiteurs sont d’abord invités à se déchausser, comme pour entrer en contact avec le sol et les forces telluriques qui, imperceptiblement, accompagnent le travail de Joon-young Yoo. Les panneaux de soie atténuent la sensation de puissance par la présence d’un matériau qui n’offre qu’une faible résistance au moindre souffle d’air : provoqués par le passage des visiteurs ou par les courants d’air se déplaçant au gré de l’architecture, d’infimes mouvements impriment une vague prête à délicatement engloutir le vide. Confondant la nébulosité cotonneuse des orages vus de loin (dont Correspondante s’apprête à tout moment à recueillir le ruissellement) et la langueur domestique des rideaux dérobant à la vue l’intimité quotidienne, ces ciels artificiels entrelacent leur propre verticalité contrariée avec la planéité de la déambulation. De l’autre côté semble s’ouvrir un chemin initiatique.

Funambulisme, la pièce la plus récente du corpus rassemblé ici, semble se superposer à un dédale qu’il s’agit de prendre à rebours, jusqu’à faire corps avec l’exposition même.
Appliquant un ruban sur le pourtour de la salle, à hauteur de plinthe, l’artiste a inversé la polarité matérielle habituellement prêtée au tissu. Le ruban concrétise une faille symbolique et tellurique sous laquelle gronde une énergie souterraine et néanmoins active. Le poids de cette faille du monde, résultat de toutes les séparations sur lesquels il se construit, accable la tête et fait plier le corps. La résistance de la corde où avance le funambule renvoie à la puissance de la couronne et à la pesanteur des corps qu’elle supporte d’ordinaire. Le plus léger des tissus devient le plus lourd des fardeaux. La vanité des tensions et des oppositions fera bientôt place à l’évanouissement des distances, à la grandeur de l’infime, à la facilité des confusions.

Une mesure semblable déconcerte les visiteurs se prêtant à la performance Moderato : entre leur vivacité habituelle (le temps est toujours compté) et la lenteur qui paraît ici rythmer leur incursion au sein de l’exposition, leur propre action se trouve assourdie par le concert qu’ils tentent de former au diapason d’un métronome. Absorbés par la grave affaire de souffler des bulles de savon, avec l’irrégularité de respirations résolues, ils deviennent ces mangeurs de lotus qui, tout à leur oubli de la folle allure de la vie humaine, préférèrent l’hospitalité d’une insularité mythique à la course d’Ulysse.

Prêt à s’élever, le visiteur retrouve à l’étage, comme une évidence, les vestiges de tulle de la performance Soulèvement : empilés, les îlots de tissu renvoient à la stratification des traces laissées par l’artiste au fur et à mesure des différents jalons posés dans son travail. La verticalité, véritable leitmotiv de l’exposition, s’y condense sans créer de reliefs, poursuivant le paradoxe ouvert par l’artiste d’une marche contemplative qui s’effectue de station en station. Chemin horizontal et puissance verticale se croisent sans discontinuité.

La série des Arcs en ciel matérialise cet ordonnancement symbolique : l’air, l’eau et la terre se fondent dans un continuum d’encre noire progressivement noyée sur le papier. Chaque nuance aspire à sa singularité sans se détacher d’un avant et d’un après dont elle ne se distingue que par petites touches auxquelles il s’agit de rester attentif.

La similitude à peine contrariée, ouvrant à autre chose que l’apparence… Evian, tirage photographique se rapportant à l’histoire d’une amie adoptée, appréhende deux réalités qui se ressemblent ‘comme deux gouttes d’eau’ : par-delà l’éloignement, la divergence et la différence, les phénomènes, les sentiments et les éléments se rapprochent les uns des autres, indéfectiblement.

L’âme elle-même se confond avec la nature jusqu’à former avec lui une vaste Pensée-paysage : captivé par le geste hypnotique qui a laissé le témoignage de son vagabondage, par le fil et par le signe, sur la feuille, l’œil du regardeur suit comme sur une carte les circuits de nouveaux atlas où s’est perdue la main,.
Dans cette perte, une folie douce opère : l’amnésie sans douleur poursuit sa lente recomposition d’horizons sans conquête. La série Apaisements s’arpente inlassablement, chaque forme ouvrant la voie à une autre, dans une répétition-variation annihilant toute forme de singularité. Liquides, les gouttes et les encres coulent d’un feuillet au suivant, reviennent sur leurs pas, sans logique apparente que celle de ne pas échapper au papier.

L’abandon est en vue : dans la vidéo In a Relationship, qui donne son titre à l’exposition, une main se laisse guider par une autre main. Enfin apprivoisée, consentante et docile, elle se dessaisit de son autorité pour accéder, sans réticence, aux attributs d’un autre genre. Faiblesse ou force n’ont alors plus cours : la résistance a nonchalamment fait place au lit où se jettent, comme des confluents faisant fi de leurs antagonismes, le temps du dehors et l’espace du dedans.

 

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